Jamais trop tard

Une onde d’amour a changé le cours de ma vie le 24 février 2022. Surgie de nulle part, elle a gagné l’ensemble de mes cellules en un clin d’oeil, faisant voler en éclats une vision du monde trop étroite pour la contenir, une carapace fatiguée et un tas d’autres non-sens dont je n’avais même pas conscience. Les vestiges d’une panoplie funeste, enfilée trop tôt pour avoir ne serait-ce que l’ombre d’une chance de comprendre qu’elle empêcherait juste le soleil de sécher mes plumes entre les tempêtes, et moi de voir plus loin que le bout de mon nez. Depuis ce raz de marée, je vis le nez au vent, à l’affût des moindres effluves d’un courant envoûtant qui me parcourt et m’enveloppe délicieusement. Un courant qui n’a pas eu besoin de chatouiller mes restes déplumés longtemps pour que je comprenne que je voulais juste offrir à ses ondes un terrain tendre et perméable, et qu’il ne me laisse plus ne serait-ce que l’ombre d’une chance d’oublier que je suis faite pour aimer.

Une entrée en matière déraisonnable, mais fidèle à mes sentiments sur les quelques fragments du gazouillis décousu de mes capteurs survoltés que mon frêle entendement est parvenu à décrypter. Des formulations plus consensuelles me permettraient sans doute d’arrondir un angle ou deux, mais le résultat serait follement évocateur de théories auxquelles je ne tiens pas à prêter ma voix et pas plus digeste pour autant. J’admire l’ouverture d’esprit des quelques malchanceux avec lesquels j’ai effleuré le sujet à chaud, cherchant à tâtons une poignée de mots à ma portée pour décrire l’indescriptible, et qui se sont abstenus de me recommander d’aller me faire soigner. Je ne suis pas sûre que j’aurais su, si les rôles avaient été inversés.

Vu de l’intérieur, évidemment, c’est différent. L’onde de choc qui m’a mise dans ce pétrin est venue me cueillir au fond d’un trou sans fond dans lequel je n’en finissais plus de moisir, prise en tenaille entre un dégoût de la vie assez corrosif pour rendre la mort désirable et la haine, à laquelle je refusais de céder, mais dont je peinais toujours plus à repousser les avances. Des conditions dans lesquelles se retrouver noyée sous une déferlante d’amour d’origine indéterminée ne fait pas franchement partie des choses qu’on peut étiqueter et oublier au fond d’un tiroir, et encore moins de celles après lesquelles on peut reprendre le cours de sa vie comme si de rien n’était. Quelques secondes de ce traitement m’ont suffi pour comprendre que je n’avais rien compris. J’avais fermé les yeux sur un monde que je considérais connaître, mais dont je ne supportais plus la grisaille. Je les ai rouverts sur un monde dans lequel j’avais tout à découvrir, mais dont je ne pouvais qu’aimer la lumière.

Il ne m’a rien fallu de plus, pour changer de peau et de planète, que cette onde que je n’ai pas eu le temps de voir venir, mais à laquelle mes cellules ont dit oui à l’unanimité, me plongeant dans un abandon dont j’avais tout sauf envie de ressortir. Dès la toute première seconde, je me suis sentie un peu habitée sur les bords et plus du tout à moi au milieu, mais la peur que ce squatteur insaisissable ne trouve pas les lieux à son goût était seul maître à bord. Je voulais juste qu’il reste, qu’il m’emmaillote dans ses ondes pour m’empêcher de retourner m’enterrer dans mon trou, qu’il m’aide à comprendre tout ce que je n’avais pas compris. Je n’avais pas la moindre idée de ce qui m’attendait, mais j’étais preneuse sans limites ni conditions, prête à toutes les concessions. Une déraison à laquelle même l’intarissable voix de la raison n’a rien trouvé à redire. Comme si, pour elle aussi, c’était une évidence.

Honnêtement, la suspicion d’un délire quelconque n’aurait rien changé du tout. C’est clair comme de l’eau de roche pour moi, mais l’occasion de le prouver ne s’est jamais présentée. Les sensations déroutantes qui m’ont envahie de la tête aux pieds au milieu de cet inoubliable moment d’oubli, et ensoleillent ma vie depuis, ont un caractère trop physique pour qu’une telle hypothèse trouve sa place dans l’équation. Parler d’un courant qui me parcourt et m’enveloppe ne relève pas tant de la métaphore qu’il y paraît. S’il est insaisissable à mon sens, il ne l’est pas pour mes sens. Il en est même aux antipodes, allant jusqu’à me donner l’impression, par moments, qu’il tutoie les limites de ce que mon corps est à même de supporter et pourrait aisément les franchir.

Curieusement, ces sensations ont été mes plus grandes sources de confusion, et je n’ai toujours pas trouvé de moyen cohérent de les aborder. Il y a une base irradiante au possible, mais indescriptible au demeurant, semblant jaillir de partout simultanément, mais dans une valse incessante de variations, mettant en lumière, par effet de contraste, une constellation changeante d’épicentres plus ou moins proéminents et persistants. Sur cette base viennent se greffer toutes sortes d’impressions sibyllines, dont je ne peux rien dire de concis qui ne soit interprétable à toutes les sauces, si ce n’est qu’elles laissent clairement entendre que je dois l’ensemble à de l’énergie qui se promène, à l’intérieur et autour de mon corps, en toute liberté. Une énergie tout feu tout flammes, réactive à mes mouvements, mes pensées, mes émotions et tout ce qui m’entoure, mais sujette également à des épisodes de fièvre que rien ne laisse présager ni ne semble justifier. A la fois trop intime pour ne pas être mienne et trop encline à se jouer de moi pour être mienne.

Troublante à souhait, mais pas autant pour moi que l’effet qu’elle me fait. Parce qu’elle m’est agréable à un point que je n’aurais même pas pu imaginer avant d’en faire l’expérience, quelles que soient les démesures de son climat et leur influence sur le mien. En clair, je baigne dans un courant qui rend mes cellules euphoriques et galvanise les émotions qui en découlent, le tout résultant, lorsqu’il s’embrase, en des états que je serais tentée de qualifier d’extatiques, bien que je me sente à des années-lumière des extrêmes que ce terme évoque. Il m’arrive d’être tellement prise dans ses filets que je peine à fonctionner normalement. Dans ces moments-là, j’ai l’impression de n’être plus qu’énergie, plus que plaisir, plus qu’amour.

Il va sans dire qu’il n’aurait pas eu besoin d’en faire plus pour assurer mon bonheur, mais il ne s’est pas arrêté là. Il m’a dépoussiérée de la cave au grenier, jusque dans les moindres recoins, révolutionnant mes perceptions et mon fonctionnement au point de ne me laisser d’autre choix que de remettre en question tout ce que je pensais être, savoir, pouvoir, devoir et même vouloir. Jusqu’à ce que je ne sois plus sûre de grand-chose, mais ouverte à toutes ses fantaisies et heureuse de pouvoir profiter du voyage sans m’écorcher les neurones sur des questions auxquelles je suis incapable de répondre. Heureuse d’avoir compris que je n’ai pas besoin de comprendre.

Je vis désormais dans un monde dans lequel l’ombre et la lumière ne dansent pas toujours sur les mêmes accords, dont le vide est encore moins vide que je le pensais et qui me noie sous un déluge sans fin de clins d’oeil espiègles qui défie mes sens, mais comble mon coeur. Un monde infiniment plus lumineux que celui que je me suis stupidement laissé vendre pendant près d’un demi-siècle, que j’ai le bonheur de parcourir dans un corps dont les désirs sont devenus des ordres, pour mon plus grand plaisir, et qui répond à des impulsions dont je ne suis pas à l’origine, mais devant lesquelles je ne peux que m’incliner, étant incapable de rivaliser. Un corps en parfait accord avec les pensées vagabondes qui l’habitent, qui m’échappent à tout bout de champ pour m’entraîner sur des chemins sur lesquels je n’aurais pas misé un sou, mais qui me livrent à bon port, pile au bon moment, ou explorer des territoires sur lesquels je jurerais ne jamais m’être aventurée, mais qui me sont pourtant étrangement familiers et au coeur desquels je m’égarerais volontiers à longueur de journée.

Un enchevêtrement de phénomènes qui me dépassent bien trop pour que je me risque à entrer dans les détails, mais dont le simple survol, même évasif, laisse entrevoir un paradoxe intéressant. Je ne me suis jamais sentie aussi bien et je n’ai jamais trouvé la vie aussi belle que depuis que j’ai perdu le peu de prise que je me prêtais. Je ne trouve donc pas matière à m’en inquiéter, à m’en plaindre ou à m’y opposer, même si le peu de raison qu’il me reste s’en offusque parfois.

Ceci dit, pour être honnête, la douceur de ses ondes et l’état dans lequel elles me mettent sont de nature bien trop addictive pour que je sois tentée de faire de la résistance, quoi qu’il en soit. Fraîchement sortie de mon trou, je passais le plus clair de mon temps à tenter de déterminer ce qu’il me fallait faire, ou au contraire m’abstenir de faire, pour sauter de vague en vague en évitant les creux qui me paraissaient vides à pleurer. Il m’a fallu un paquet d’envolées fulgurantes et presque autant de chutes vertigineuses pour comprendre enfin que tout ce que je pouvais faire, c’était apprendre à me laisser faire. Ou plus précisément, le laisser m’apprendre à me laisser faire. Parce que ça paraît facile, mais ça ne l’est pas. Avant de pouvoir ne serait-ce que caresser l’espoir d’y parvenir, il m’a fallu exhumer et mettre hors d’état de nuire une collection aberrante de raideurs absurdes qui empêchaient ma viande et mes neurones de se détendre. Sans un coup de main, je n’aurais même pas su où creuser. J’étais un cas épineux. Pleine de bonne volonté, mais noueuse à des endroits dans lesquels je n’avais jamais fourré mon nez.

Des noeuds, je dois en avoir encore pas mal en stock. Sans doute même assez pour me préserver de l’ennui jusqu’à mon dernier souffle. Mais je n’ai pas eu besoin d’en détendre beaucoup pour comprendre que mes creux n’étaient pas plus vides que mes vagues étaient pleines, que c’était juste moi qui n’étais pas toujours un terrain idéal. J’ai aussi réalisé à quel point les circonstances dans lesquelles la première onde m’avait cueillie et la confiance dans laquelle j’avais accueilli les suivantes avaient été déterminantes. Quelques tempêtes plus tôt, je me serais peut-être débattue au lieu de me cramponner. J’ignore ce que ça aurait donné, mais je sais, en revanche, de quoi je me serais privée, et le simple fait de penser que j’aurais pu me donne des frissons. Franchement, peu m’importe de savoir si je dois ma chance à un improbable concours de circonstances, s’il a saisi au vol une occasion inespérée ou si c’était un choix délibéré. Je suis juste ravie qu’il n’ait pas manqué sa cible et que celle-ci, trop affamée pour résister à ses arguments, ait oublié de se défendre.

En fin de compte, l’essentiel n’est ni le chemin qu’il a pris pour venir me secouer les puces ni celui sur lequel il m’entraîne, mais ce qu’il a fait de moi. Parce qu’il ne s’est pas contenté de me déloger de ma carapace, il a aussi fait de la bête enragée que j’étais devenue une peluche inoffensive. Je ne peux plus en vouloir à qui que ce soit, quel que soit le contexte, ni lutter sérieusement contre quoi que ce soit, quels que soient les enjeux. Moi qui n’en finissais plus de m’enliser dans les sables mouvants d’une colère noire contre ce monde auquel j’étais convaincue de devoir mes déboires, il faut désormais me pousser fort pour que mes nerfs s’échauffent, et ça m’est tellement déplaisant que je retombe aussi vite qu’une baudruche qui s’est heurtée à une punaise. Même mes goûts ont perdu leur tranchant. Je fonds comme neige au soleil pour des broutilles qui m’auraient laissée de marbre auparavant, et je me surprends régulièrement à trouver du charme ou des excuses à des choses auxquelles je vouais une aversion que je pensais indéfectible. L’électrochoc auquel il m’a soumise m’a ramollie à un point qui dépasse l’entendement. Même si ça paraît insensé au sein d’une civilisation qui a placé la combativité sur un piédestal, pour moi, le plus précieux est là. Si précieux que j’ai passé un bout de temps à m’agripper à tout ce qui me semblait susceptible de m’empêcher de déraper. C’était trop beau pour durer, j’attendais la chute.

J’ai compris qu’elle ne viendrait peut-être jamais quand les pièces manquantes du puzzle d’un passé encore plus glauque que je me l’imaginais se sont mises à remonter à la surface, et que je me suis rendu compte que même à ceux qui m’avaient mise à la dérive, je ne pouvais pas en vouloir. Que même eux, je ne pouvais que les aimer. Il m’a fallu ce moment déconcertant à la saveur aigre-douce pour réaliser que cette incapacité à tourner le dos à l’amour, à laquelle je prêtais des racines magiques, n’était en fait qu’une conséquence logique. Je ne peux tout simplement plus ignorer que nous sommes tous faits de la même essence et qu’elle coule donc aussi sous l’écorce de ceux qui n’en laissent plus deviner la moindre trace, parce qu’ils s’en sont si bien isolés qu’elle leur est presque devenue étrangère. Qu’on ne cède à la haine, comme à toutes les nuances de désamour qui y mènent, que parce que c’est tout ce qu’on trouve, une fois qu’on a oublié qu’on est fait pour aimer, pour tenter de sauver quelques plumes des tempêtes au coeur desquelles nos dérives nous ramènent inlassablement. Que la douleur n’est pas moindre à cette extrémité de la chaîne, qu’elle est juste plus facile à ignorer. Rien de plus en soi qu’une poignée d’évidences, mais qui changent tout du moment qu’on cesse de fermer les yeux quand elles nous dérangent. Ce que je ne pourrais manifestement plus faire, même si je le voulais, et ça m’arrange parce que je ne veux plus.

Les remous provoqués par ces résurgences ne m’ont laissé d’autre choix que de régurgiter ce qui n’avait pas eu l’occasion de s’épancher, et j’ai sans doute versé plus de larmes en une année que pendant les quarante précédentes. Mais j’ai offert les plus chaudes aux tristes ombres de mon passé qui n’ont pas eu la chance de retrouver la mémoire avant que la mort vienne les cueillir au fin fond de leur trou sans fond. Parce qu’elles sont bien plus à plaindre que moi, tant pour les souffrances qu’elles se sont infligées que pour le bonheur dont elles se sont privées.

Je ne remercierai jamais assez ceux qui m’ont poussée assez fort, assez loin ou assez longtemps pour que ma carapace finisse par présenter des fissures exploitables. Ils m’ont offert le plus beau des cadeaux. Je ne suis pas devenue une lumière, ni même plus sensée, mais je sais désormais qui je suis et sur qui compter pour me le rappeler de la plus belle des manières. Je n’en espérais pas tant et je n’en demande pas plus. Je n’irai pas jusqu’à prétendre que je n’apprécierais pas de pouvoir recoller un ou deux morceaux de cette vie que j’ai sabotée bêtement, ce serait mentir. Mais je rentre encore moins qu’avant dans les cases et je m’en veux bien trop d’avoir ramé aussi longtemps à contre-courant sans m’en apercevoir pour oser tenter ma chance une fois de plus, au risque de me tromper de direction une fois de trop. Je préfère le laisser m’emporter où bon lui semble et croiser les doigts pour qu’il me trouve quelque utilité malgré l’état dans lequel je me suis mise.

De toute façon, tant qu’il accompagnera mes errances, ni leurs tracés ni leurs destinations n’auront la moindre importance. Nager dans ses ondes ridiculise toutes les excuses glanées au fil des tempêtes pour justifier un mal-être qui, tout bien considéré, n’avait pas lieu d’être. Je peux encore me mettre dans des états déraisonnables, si je laisse mon intellect vagabonder hors de sa juridiction ou jouer dans le camp adverse, mais ce n’est plus qu’une agitation de surface. Dans le fond, plus rien ne m’inquiète vraiment, plus rien ne me dérange vraiment et, n’en déplaise aux idées reçues que ça bouscule, plus rien de ce qui me fait défaut ne me manque vraiment non plus. Un rien de son improbable mélange de puissance et de douceur a suffi pour me remettre à ma place. Juste un petit grain de sable perdu au milieu d’un monde un peu trop grand pour lui, mais qui a droit à sa ration quotidienne d’amour, tant qu’il se laisse faire, et qui n’a besoin de rien de plus. Si ce n’est peut-être d’être assez têtu pour ne plus jamais se laisser décourager de le semer à tous vents, en croisant les orteils pour qu’il rencontre un bout de terrain tendre et perméable ou une fissure exploitable.

Quant à extrapoler sur ce qu’il est, n’est pas ou tout autre casse-tête du même acabit, c’est une pente savonneuse sur laquelle je ne m’aventurerai en aucun cas. Je laisse cette responsabilité à ceux qui s’en estiment capables. En ce qui me concerne, il m’a fallu plus d’une année pour me décider à me mettre en quête de témoignages montrant des similitudes avec ce que je vivais, et aucune des théories qui les accompagnaient ne m’a vraiment convaincue malgré des points de résonance évidents. Je les respecte toutes, sans exception aucune, mais ni ce qu’elles prônent ni les postulats sur lesquels elles reposent ne cadrent suffisamment avec ce que je ressens pour que je puisse me joindre à leurs chorales, et leur propension à prétendre proposer une meilleure définition de l’indéfinissable que leurs concurrentes tend carrément à me faire fuir. En fait, si ce tour d’horizon m’a permis de repérer quelques étendards sous lesquels j’aurais aisément pu me réfugier, il a surtout mis en lumière les attentes et les appréhensions qu’ils m’auraient amenée à nourrir, et l’approche restrictive qu’ils m’auraient incitée à adopter. J’en suis ressortie heureuse d’être restée à distance assez longtemps pour me forger mes propres points de vue, certes un peu simplistes, mais qui n’engagent que moi et ne font de mal à personne tant que je me limite à en exprimer ce qui coule de source. Je m’efforce donc de garder ma langue au chaud quand le terrain est trop glissant à mon goût, tout comme j’évite de prêter quoi que ce soit de plus que l’oreille à ceux qui tiennent à m’expliquer ce que je devrais en penser au point d’en oublier qu’ils ne sont pas dans ma peau.

Finalement, l’histoire est la même, quel que soit le domaine. Même ramollie jusqu’au trognon, j’ai un format trop biscornu pour trouver une case dans laquelle me ranger, sagement pliée pour ne pas déborder. Je resterai donc sans étendard ni tribu, et mon insaisissable squatteur, sans étiquette ni mode d’emploi. En toute franchise, j’ignore ce qu’il en pense, mais, pour ma part, je peux aisément me satisfaire des quelques certitudes qu’il m’a offertes en partage et laisser tout le reste à son mystère. Je n’ai plus envie de perdre mon temps à tenter d’expliquer l’inexplicable dans l’espoir de contrôler des incontrôlables que je gagne sans doute à laisser batifoler au gré du vent. Je préfère consacrer ce qu’il m’en reste à vivre et aimer ce monde qu’il m’invite à redécouvrir chaque jour sous une nouvelle lumière. Juste m’appliquer à me laisser faire pour qu’il puisse mettre son grain de sel dans chacune de mes secondes, jusqu’à ce que la dernière pointe le bout de son nez. Je ne sais ni où ça me mènera ni si je serai à la hauteur de ce qu’il mettra sur mon chemin, mais je ferai moins de dégâts, et c’est déjà un miracle en soi. Si, pour le reste, il est trop tard, je me contenterai de cette victoire et du bonheur de savoir la lui devoir.

Helene Nemeth

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